TALEC Aimé

Aimé François Talec est le cadet d’une fratrie de trois enfants d’une institutrice et d’un boulanger. Il suit une scolarité à l’école primaire supérieure de Morlaix puis au lycée de Brest avant d’entamer, comme sa mère, une carrière d’instituteur à Ploudaniel. Aimé Talec est cependant mobilisé lors de la Première Guerre mondiale et sert dans l’infanterie. Durant une permission il épouse la fille d’un instituteur de Ploudaniel ; Marie-Françoise Le Théo (1892-1965), le 1er décembre 1917 en cette commune. Neuf mois plus tard, leur premier enfant Aimé (1918-1989) voit le jour. Le couple aura par la suite deux autres enfants ; Albert (1920-1997) et Georges (1924-2008).

La tenue au front du Ploudanielois lui fait gravir les échelons, de 2ème classe au grade de lieutenant. Il est cependant blessé à deux reprises au combat, en septembre 1915 et plus sérieusement en mai 1918. Rendu à la vie civile, Aimé Talec gardera de la guerre une démarche claudicante notable. En 1921, avec son frère Désiré, ils sont nommés Chevalier de la Légion d’honneur par le ministre de la Guerre. La vie reprend son cours et d’instituteur, Aimé Talec devient le directeur de l’école publique de Ploudaniel quelques années plus tard. Non mobilisé à la déclaration de la Seconde Guerre mondiale, Aimé Talec voit les Allemands débarquer dans sa localité.

Sous l’occupation, il semble avoir été approché par Gilbert Mercier du Folgoet dans le courant de l’année 1943. Ceci ce serait traduit par un recrutement officiel entre octobre et novembre 1943 par le chanoine Marcel Kerbrat, alors replié à la retraite de Lesneven. Ce dernier œuvre depuis peu pour le mouvement Défense de la France (D.F) et cherche des personnes retaillées ayant une expérience militaire pour des postes à responsabilité. L’idée d’un débarquement est persistante depuis des mois et dans l’objectif de parvenir à regrouper des patriotes volontaires pour se battre le moment venu, il est proposé au directeur de l’école de Ploudaniel de chapeauter le canton de Lesneven-Ploudaniel.

Le vétéran de 14/18 ne se défausse pas et accepte la proposition, devenant de fait, le chef cantonal de la Résistance. Il se met rapidement au travail et se met en relation avec les éléments déjà acquis à la cause clandestine. Il participe également au recrutement, notamment auprès d’anciens élèves. Parmi ces recrues, citons Joseph Aballéa. Le rapprochement entre D.F et le mouvement Libération Nord (L.N) à la toute fin de l’année 1943 permet de donner une ossature à l’Armée Secrète (A.S). Entre février et mars 1944, d’autres rapprochements nationaux donnent naissance aux Forces françaises de l’intérieur (F.F.I), se traduisant localement par la création du Groupement cantonal de Lesneven avec toujours à sa tête Aimé Talec.

Lors d’une réunion avec ses responsables en février 1944, il est prescrit à l’instituteur F.F.I de créer un groupe franc dédié à l’action immédiate et de prévoir un maquis dans son secteur où les réfractaires et résistants recherchés pourraient trouver refuge. Le mois de mars 1944 voit également arriver à Ploudaniel, après bien des péripéties, les premières armes anglaises parachutées. La dotation provenant du centre Finistère n’est pas très grosse mais permettra de réunir les futurs chefs de groupes à la ferme de Kervilon pour s’instruire à la manipulation.

Si les efforts déployés permettent de recruter des volontaires pour grossir les effectifs F.F.I, ces activités apportent également une dénonciation à la Geheime Feldpolizei (G.F.P) de Brest, rue Jean Jaurès. L’information est ensuite transmise au Kommando de chasse I.C 343, basé à Landerneau. Ce service, de traque et de répression de l’armée allemande contre les activités de la résistance, missionne le 2 juin 1944, les supplétifs français Gabriel Poquet et Jean Corre de mener l’enquête. Ils ont pour objectif d’authentifier les informations et si possible, d’en obtenir davantage. Les deux collaborateurs optent pour l’infiltration et se rendent à Lesneven, le jour même en moto, munis de brassards F.F.I et de journaux clandestins provenant d’arrestations antérieures. Après avoir réuni suffisamment d’éléments, ils s’en reviennent à Landerneau et confirment les renseignements donnés par le G.P.F de Brest tout en ajoutant d’autres éléments à charge. L’officier Schaad en réfère alors à son supérieur, qui décide d’une rafle le soir même. Les troupes dînent et l’expédition part en direction de Lesneven. Les premières rafles et les coups qui s’ensuivent arrachent de nouveaux noms de patriotes. D’autres perquisitions sont alors menées, dont une à Ploudaniel chez la famille Talec.

Témoignage de Georges Talec, fils d’Aimé Talec :

« À trois heures du matin les membres du Kommando I.C enfoncent, à coups de barre de mine, la porte d’entrée de son logement de Directeur de l’école de Ploudaniel (actuelle mairie). Ils l’interrogent et le torturent dans son appartement. Il ne dit mot. Les Allemands veulent avoir, à tout prix, des renseignements sur le réseau qu’il dirige, sur les caches d’armes et sur les projets de son groupe de Résistants. Il ne divulgue rien. Complètement inconscient, son épouse et ses enfants interrogés, atterrés et laissés sur place, il est transporté en traction avant à Landerneau par ses tortionnaires. » [1]

Au total, ce sont 14 personnes qui sont appréhendées cette nuit là dans le canton. En plus d’Aimé Talec, il faut ajouter : Joseph Aballéa, Yves Corre, Joseph Foricher, Joseph Garnier, André Guéguen, François Guéguen, Pierre Loaëc, Léon Moal, Yves Pellennec et la famille Riou (Éliane, Gabrielle, Jean et Simone).

Joseph Aballéa détaille la suite de cette rude journée du 3 juin 1944 :

« Aimé Talec, à peine conscient, subit de nouvelles brutalités ; il perd de nouveau conscience ; nos tortionnaires le sortent plusieurs fois, avec peine, de son évanouissement à grands seaux d’eau. Puis vient le tour d’Yves Pellennec qui est allongé dans la cour. Nous assistons impuissants à ce spectacle en attendant d’en être les victimes. A chaque instant, il est question de nous fusiller tous. Nous passons ainsi la journée dans cette cour, sous bonne surveillance et dans la hantise de la suite... Journée de cauchemar : notre vie ne semble tenir qu’à un fil. » [2]

Les prisonniers sont ensuite conduits de Landerneau à la prison de Pontaniou à Brest avant d’être à nouveau transférés vers Rennes. À Ploudaniel et Lesneven, l’annonce du débarquement a provoqué un électrochoc, forçant la Résistance à se réorganiser tant bien que mal. Mathieu Donnart demande alors au chanoine Marcel Kerbrat de prendre la succession d’Aimé Talec mais se sentant repéré, ce dernier décline la proposition. L’intérim sera fait par Paul Jacopin qui laissera en juillet 1944 la place à Pierre Nicolas. C’est ce dernier avec son adjoint Augustin Salou qui mèneront les F.F.I du canton au combat lors de la Libération.

Mais alors que l’heure des combats est imminente, Aimé Talec et ses compagnons d’infortune sont déplacés de Rennes avant l’arrivée des troupes américaines. Parvenu à Belfort, il est déporté en Allemagne le 29 août 1944. Interné durant plusieurs mois dans les camps de Sandbostel et Bergen-Belsen, Aimé Talec succombe le 13 février 1945.

À titre posthume, il reçoit la médaille de la Résistance française en 1947. En son hommage, une plaque commémorative est apposée dans le hall d’exposition de la mairie tandis que son nom est gravé sur la stèle du maquis de Pont-Pol à Ploudaniel. Une rue à Ploudaniel et une rue à Lesneven portent également son nom.

Publiée le , par Gildas Priol, mise à jour

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Portfolio

Aimé Talec (1er à droite) durant la Première Guerre mondiale
Crédit photo : Famille Talec
Remise de la Légion d’honneur à Aimé Talec
Crédit photo : Famille Talec
Mémorial du maquis de Lesneven-Ploudaniel
Crédit photo : Gildas Priol
Famille Talec
Crédit photo : Famille Talec
Aimé Talec et Marie-Françoise Le Théo
Crédit photo : Famille Talec
Famille Talec à Ploudaniel
Crédit photo : Famille Talec

Sources - Liens

Remerciements à Françoise Omnes pour la relecture.

Notes

[1BOHN Roland, Chronique d’hier, Tome 1 - La vie du Léon 1939-1945, à compte d’auteur, 1993, page 214.

[2BOHN Roland, Chronique d’hier, Tome 1 - La vie du Léon 1939-1945, à compte d’auteur, 1993, page 206.