LE BRIS François

François Le Bris est le fils d’un patron pêcheur du Conquet. La famille réside venelle du Drellac’h au Conquet. Il effectue sa scolarité à l’école Saint-Joseph puis au collège Dom Michel le Nobletz. Sur son temps libre, outre les habituels jeux de l’époque, François Le Bris fréquente le patronage tenu par madame Taburet et sert comme enfant de choeur à la paroisse ; la famille est très pieuse. En 1937, il passe avec succès son certificat d’études à Brest. Dès l’été, il débute l’apprentissage du métier de marin avec son père qui le voit déjà prendre sa sucession. Après l’été, il retourne à l’école durant une année pour préparer un certificat supérieur mais à l’été suivant en 1938, son père lui fait savoir que l’école est terminée, qu’il faut désormais qu’il embarque pour de bon à bord, à l’âge de 13 ans. Débute alors pour François Le Bris la pêche aux casiers à homards qu’ils revendent au Conquet ou à Camaret, en fonction du cours du marché.

En 1939, François Le Bris entend le tocsin résonner au Conquet, de son propre aveu, il ne se rend pas compte des conséquences que cela implique, l’insouciance de la jeunesse. La drôle de Guerre passe puis à l’heure de la débâcle, il part en bateau avec son père le 17 juin 1940 pour mouiller des fusils et munitions pour ne pas qu’ils tombent entre les mains des Allemands qui approchent. Dans cette débandade, il tente de partir avec un copain mais étant trop jeunes, personne ne veut les prendre à bord.

François Le Bris relate son inquiétude à l’approche des Allemands :

« Les bruits les plus effrayants circulaient : les Boches étaient bien connus pour couper les bras des Français... C’était un peu la panique. Jamais nous n’aurions imaginé nous faire envahir de la sorte. C’était inconcevable et pourtant... »  [1]

Après l’explosion du Vauquois au large du Conquet, François Le Bris participe à la récupération des corps et se souvient en avoir repêché sept ou huit avec son père. Les jours suivants, d’autres corps s’échouent sur la côte, François se porte volontaire pour les brancarder jusqu’à la coopérative. Les mois suivant sont signes de paperasses administratives pour le jeune Le Bris qui doit se rendre auprès de la douane allemande, située en haut de la digue, pour récupérer un ausweis pour aller pêcher. À partir de l’été 1942, la pêche est interdite, son père est alors réquisitionné pour travailler sur les ouvrages côtiers du Mur de l’Atlantique. Handicapé depuis son enfance, le maire s’arrange pour que ce soit François Le Bris qui le remplace à la tâche. Désormais, avec son copain Jean Goaster, ils se rendent tous les matins à la Kommandantur pour l’appel avant le départ vers Kermorvan pour les travaux sur les fortifications. À ce travail s’ajoutent les restrictions, le manque de matières premières et surtout le manque d’aliments.

Bien que cela soit proscrit, ils se retrouvent entre voisins et avec son oncle François Falhun chez une voisine pour écouter Radio Londres en cachette. Les distractions sont également minces mais François Le Bris et ses amis se rendent régulièrement à Kerjean ou à Lochrist, pour danser et rencontrer leurs copines. François Le Bris s’entiche alors de Marie-Louise Arzel.

En août 1944, les combats s’annoncent avec l’arrivée des américains dans le Nord Finistère. Après avoir prévenu sa « fiancée » de son intention de rejoindre les Forces françaises de l’intérieur (F.F.I), François Le Bris se rend à Lanrivoaré avec d’autres gars du Conquet. Parmi les volontaires se trouvent ses cousins Gabriel Le Bris et François Falhun. Son intégration à la Compagnie F.F.I de Saint-Renan est notifiée le 21 août 1944. Il est affecté au 1er Groupe de la 3ème Section.

Composition du groupe : (12 soldats F.F.I )
 APPRIOU Yves
 BANNIER Gustave
 BELLEC Rémy
 COUGNY Jacques
 FOURN François
 FOURN Marcel
 GUILLOU Joseph
 LE BRIS François
 LÉON Michel (Chef de groupe)
 MAZÉ François
 PELLEAU Yves
 UGUEN Yves

L’unité participe au nettoyage de la zone Ouest de Saint-Renan qui sera libérée le 24 août 1944. L’avance se fait de concert avec l’Armée américaine et la compagnie après être passée par Lamber et Kervadéza, oblique vers Locmaria-Plouzané et Plougonvelin.

François Le Bris évoque son ressentiment à cette période :

« Nous dormions un peu n’importe où, sur la paille, dans une grange ou même dans les fossés. J’avoue que nous étions un peu inconscients, je m’en rends compte avec le recul. Il y avait bien parmi nous quelques anciens marins qui connaissaient le maniement des armes mais pour mon cas je n’avais évidemment jamais touché un fusil de ma vie. Je m’y suis essayé un jour en tirant sur une cible. Je me sentais fort, intouchable, un vrai soldat ! J’étais galvanisé par l’effet de groupe, plein d’ardeur. »  [2]

Sur la route du Cosquer, face au bois Chevillotte, les combats sont rudes et il faut huit jours à la Compagnie pour parvenir à franchir cette ligne âprement défendue par les Allemands. Les combats se poursuivent sur la commune de Plougonvelin avec pour objectif la réduction de la poche du Conquet et la neutralisation de la batterie allemande de Kéringar. Quand cette position se rend le 9 septembre 1944, les F.F.I du Conquet se rendent chez eux. La section défile fièrement, les armes à la main dans la rue principale jusqu’à Beauséjour. Quelques photos sont prises pour l’occasion (voir portfolio).

il reste cependant la position retranchée de la presqu’île de Kermorvan à réduire. Le lendemain, 10 septembre 1944, François Le Bris assiste à la tonte de plusieurs femmes. Peu après, la commune subit des tirs de mortiers provenant de la presqu’île. François Chuiton et François Le Bris sont touchés par des éclats. Le jeune pêcheur est pour sa part touché dans le cou derrière l’oreille, au poignet gauche et au tibia droit.

François Le Bris raconte sa blessure :

« Il y avait du sang partout. C’était un peu la panique. J’ai été aussitôt transporté à Kervadeza où se trouvait l’hôpital de campagne des Américains. Sur place on m’a dit que je ne faisais pas partie des cas les plus graves alors on m’a transféré à la clinique de Saint-Renan. J’ai été soigné et installé dans une salle où il y avait une quarantaine de blessés dont certains étaient mourants. Je suis resté là huit jours avant de pouvoir rentrer chez moi. »  [3]

Remis sur pied, il rentre chez lui avant de partir s’enrôler dans l’armée française en reconstitution à Landerneau. Sa première tâche est de garder des prisonniers et des collaborateurs. Il contracte ensuite un engagement de trois ans dans la Marine et après plusieurs affectations, il embarque sur le cuirassé Lorraine et participe au bombardement de la poche de Lorient et du Verdon. Le 8 mai 1945, alors que son bâtiment de guerre se trouve en rade de Brest, il apprend la capitulation allemande.

Entre temps, il avait appris le décès de son frère Jean Le Bris, tué le 4 août 1944 à Peta Tiqua en Palestine alors qu’il servait dans les Forces aériennes françaises libres (F.A.F.L).

Après guerre, François Le Bris poursuit dans la Marine jusqu’à la fin de son contrat. Il épouse Marie-Louise Arzel, le 9 août 1947 au Conquet. Il reprend ensuite son métier de pêcheur jusqu’à sa retraite.

Publiée le , par Gildas Priol, mise à jour

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Portfolio

60ème anniversaire de la Libération du Conquet (2004)
De gauche à droite : Jacques COUGNY, François LEBRIS, Alexis AUFFRET, François FALHUN et André FORNY.
Crédit photo : U.N.C Le Conquet
F.F.I du Conquet (9 septembre 1944)
Photographie prise devant l’hôtel Beauséjour (actuelle mairie du Conquet) par Alexis Taniou (1905-1975).
Collection personnelle : Famille Cougny
François Le Bris et Marie-Louise Arzel sur le pont de Kerjean (1942)
Crédit photo : Famille Le Bris
Prises d’armes à Beauséjour (9 septembre 1944)
Photographie prise devant l’hôtel Beauséjour (actuelle mairie du Conquet) par Alexis Taniou (1905-1975).
Crédit photo : Famille Cougny

Sources - Liens

  • Famille Le Bris, documents et iconographie.
  • Famille Cougny, iconographie.
  • LE BRIS Marie-Louise & François, Mamie Quai et Parrain Quai, éditions Mémoires vives, Plouguin, 2010.
  • Musée du Ponant à Saint-Renan, fonds Baptiste Faucher, archives de la Compagnie F.F.I du canton de Saint-Renan.
  • Françaislibrest.net, notice biographique de Jean Le Bris.

Remerciements à Françoise Omnes pour la relecture.

Notes

[1LE BRIS Marie Louise & François, Mamie Quai et Parrain Quai, éditions Mémoires vives, Plouguin, 2010, page 30.

[2LE BRIS Marie Louise & François, Mamie Quai et Parrain Quai, éditions Mémoires vives, Plouguin, 2010, page 37.

[3LE BRIS Marie Louise & François, Mamie Quai et Parrain Quai, éditions Mémoires vives, Plouguin, 2010, page 39.