LECLERCQ Georges

Georges Eugène Antoine Denis Leclercq est le fils d’un docteur en médecine. Il réside avant guerre avec sa sœur Anne Marie, son frère Denis (1924-1988) et ses parents au 36 Place Maurice Berteaux à Chatou. Étudiant au lycée Condorcet à Paris, il passe son baccalauréat en 1936 et son certificat préparatoire aux études de médecine (P.C.B) dans une faculté des sciences en 1937. Suivant la voie de son père, il débute des études de médecine en 1938 mais ne fait que deux années, avant que la guerre interfère.

Devançant sa mobilisation, il s’engage volontaire pour la durée de la guerre en octobre 1939. Affecté au Dépôt n°42 du Mans, il est finalement détaché au centre d’instruction d’aspirant à La Courtine au début au mois de mai 1940. Se trouvant en Zone sud, il n’est pas fait prisonnier lors de la débâcle de juin 1940. Il reste dans l’Armée d’Armistice de Vichy, qui l’affecte dans le Larzac où il est promu aspirant de réserve le 25 août 1940.

Sous l’Occupation, Georges Leclercq est détaché aux Chantiers de la jeunesse française (C.J.F). Au sein de cette organisation, il est muté successivement aux Groupements n°33 de Nyons dans la Drôme fin août 1940 et n°17 de La Plage d’Hyères dans le Var en juillet 1942. Il est ensuite envoyé en Algérie pour servir dans les groupements n°107 dans l’Ouarsenis en août 1942 et n°102 à Tlemcen en fin 1942. Suite à l’opération Torch et après la dissolution de son groupement le 14 novembre 1942, Georges Leclercq est démobilisé le 25 novembre.

En mars 1943, il demande à être réintégré à l’Armée d’Afrique. Il est affecté au dépôt du 6ème Régiment de tirailleurs algériens (6e R.T.A) où il effectue plusieurs stages. Quelques mois plus tard, en août 1943, Georges Leclercq prend ses fonctions dans son Régiment. Il ne semble pas participer à la Campagne de Tunisie et reste avec son unité dans la région d’Oran et Tlemcen.

Lors d’une demande de volontaires pour des missions spéciales, il se porte candidat en décembre 1943. Il est alors affecté aux Services de renseignements et d’action d’Alger (B.R.A.A) le 4 décembre 1943. Quelques semaines plus tard, il est transféré en Grande-Bretagne où il débarque le 3 (ou 4) janvier 1944. Georges Leclercq intègre le Bureau de renseignements et d’action de Londres (B.R.A.L - ex-B.C.R.A) le 6 janvier. Pour les besoins du service, il adopte la fausse identité Georges Levalois.

Volontaire pour accomplir une mission en France occupée, il est versé à la sous-section Action (A) et intègre les effectifs de la Mission Jedburgh. Formé en Écosse, il suit différents stages : sécurité, action subversive, radio, sabotage, pièges, combat sans arme et guérilla. Il s’entraîne également avec des avions Dakota et Lysander. Georges Leclercq est également breveté parachutiste à Ringway. Promu sous-lieutenant de réserve le 24 juin 1944, sa connaissance de l’anglais et sa nationalité française le prédispose d’emblée à servir de traducteur pour sa future mission.

Composées de deux officiers (dont un originaire du pays ciblé) et d’un radio, ces équipes ont pour but d’être parachutées derrière les lignes ennemies pour prendre contact avec la Résistance locale. Après évaluation des forces, les équipes Jedburgh doivent fournir une aide matérielle et tactique aux Forces françaises de l’intérieur (F.F.I) pour désorganiser et entraver les troupes allemandes en préambule aux opérations militaires menées par le Supreme Headquarters Allied Expeditionary Force (S.H.A.E.F).

Fraichement promu (à titre fictif) lieutenant, Georges Leclercq, le major américain John W. Summers et le technician 3rd grade américain William F. Zielske (radio), forment l’équipe Horace. Ils sont désignés pour prendre en charge l’arrondissement de Brest, avec la lourde tâche de préparer le terrain et de créer des diversions avec la Résistance locale en prévision d’une prise rapide de la cité du Ponant par l’armée U.S qui se dirige vers la Bretagne.

Selon François Broc’h, ce serait à Guipavas via Roger Bourrières, devenu par la force des choses responsable départemental des F.F.I du Finistère, que l’État-major F.F.I de Brest aurait appris le 13 juillet 1944 qu’un contact avec Londres était en place grâce à la mission Jedburgh du centre Finistère [1]. Une liaison est établie dès le lendemain et lors des préparatifs de réception de l’équipe destinée à Brest, c’est une prairie avoisinante du château de Penmarc’h à Saint-Frégant qui aurait été choisie comme drop zone pour l’équipe Horace. La phrase codée annonciatrice du parachutage était Les raisins vous rafraîchiront, indiquant que le parachutage serait pour la nuit suivante, entre minuit et deux heures du matin. Le lundi 17 juillet vers 21 heures, la B.B.C annonce l’avortement du parachutage pour le Nord Finistère, le terrain ayant été refusé.

L’équipe Horace embarque cependant bel et bien dans un avion Handley Page Halifax dans la nuit du 17 au 18 juillet 1944. Piloté par un équipage canadien, leur transport décolle de Tempsford en Angleterre pour les larguer dans le centre Finistère (secteur Est de Châteauneuf-du-Faou), en même temps que l’équipe Hilary - destinée pour sa part à la région de Morlaix. Comme convenu par radio, ils sont accueillis au sol par le capitaine Paul Grall [2] de l’équipe Jedburg Gilles, déjà sur place depuis le 9 juillet 1944. Ce dernier les fait conduire sans délai par voiture dans un maquis situé à environ 16 kilomètres au Sud d’Huelgoat (Landeleau ?). Durant sa mission en France, Georges Leclercq garde sa fausse identité mais répond également à l’indicatif Somme [3].

Le 18 juillet, Horace établit contact avec Londres par radio. L’équipe Gilles envoie dans la région de Brest une agente de liaison pour prévenir les F.F.I que leur équipe Jedburgh est bien arrivée. Le soir, l’agente est de retour, sans être parvenue à entrer en relation avec la Résistance à Brest. Le capitaine Paul Grall quitte l’équipe Horace dans la soirée pour tenter personnellement d’établir un à son tour un contact avec Brest. Le lendemain, pas de nouvelle, Georges Leclercq et ses deux compagnons décident alors de prendre l’initiative d’entrer par eux-mêmes en relation avec la Résistance. Le 20 juillet, ils n’ont toujours pas de nouvelles de l’équipe Gilles.

Le lendemain, les parachutistes parlent avec plusieurs personnes ayant été dans l’obligation de fuir le secteur de Brest. Ces personnes sont pessimistes et donnent plutôt de mauvaises nouvelles sur l’état des forces dans l’arrondissement du Ponant. Leurs contacts les incitent même à ne pas s’y rendre. Malgré tout, l’équipe Jedburg parvient à entrer en relation avec un chef de maquis du Nord Finistère (dont l’identité est inconnue) le 22 juillet 1944, mais celui-ci indique ne pas avoir de lien avec Brest. En désespoir de cause, l’équipe Horace veut se rendre à Brest par ses propres moyens et pour seul guide, ils trouvent un jeune garçon de 14 ans.

Finalement, l’équipe Gilles est parvenue à prévenir Roger Bourrières qui à son tour à fait avertir Joseph Garion de l’emplacement de l’équipe Horace. Dans la soirée du 25 juillet 1944 à Loqueffret, les trois parachutistes sont chargés dans des tonneaux de vin sur un camion conduit par André Daveau et Victor Corre [4]. Malgré les nombreuses haltes à des barrages routiers allemands, le rapatriement de l’équipe Horace dans l’arrondissement est une réussite. Ils passent la nuit dans un bois près de la ferme Simon à Guipavas. Une tour d’observation allemande n’est cependant pas très loin de leur bivouac. Au petit matin du 26 juillet, Joseph Garion rencontre l’équipe et après une halte chez des patriotes, le transport en camion, toujours dans les tonneaux de vin, reprend à destination de Saint-Frégant en prenant un large détour. À Saint-Divy, le camion a un pneu à plat, des allemands en faction dans le bourg aident les chauffeurs à changer la roue... Le camion arrive finalement à destination au manoir de Penmarc’h alors qu’il fait encore jour.

Après 9 jours perdus, Horace est désormais à pied d’œuvre pour l’arrondissement de Brest. L’équipe s’active et prépare un plan d’attaque de Brest avec l’État-major F.F.I de Brest. Manquant cruellement d’armes, il est prévu plusieurs zones de largages pour recevoir des conteneurs. Ces zones, préalablement repérées par les groupes locaux de F.F.I, voient leurs coordonnées communiquées en Angleterre par William F. Zielske.

Zones de largages demandées par l’équipe Horace à Londres :

Le 31 juillet, Londres informe l’équipe Horace que plusieurs terrains sont refusés car jugés trop dangereux à cause de la défense anti-aériens allemandes. Le lendemain, l’équipe est informée que les Alliés avancent dans leur direction. Dans la nuit du 2 au 3 août 1944, grâce à l’équipe Horace, certaines zones reçoivent tout de même leur parachutage d’armes. C’est le cas des terrains Clio, Melpomène, Talie et Terpsichore.

Après compte rendu des parachutages, Horace renvoie dans l’après-midi du 3 août 1944, un message à Londres en réclamant de servir les terrains Vénus et Calliope immédiatement sans quoi ils ne pourront pas déclencher des attaques dans Brest. Cette réclamation restera hélas lettre morte, privant les cinq compagnies F.F.I théoriques de Brest d’armement et annihilant ainsi toute insurrection possible dans la cité du Ponant.

Jusqu’au 4 août, l’équipe de John W. Summers avait pour consigne d’éviter que les F.F.I de Brest déclenchent l’insurrection. Il fallait donc tempérer les hommes pour maximiser l’effet de surprise, qui devait profiter aux troupes américaines dont l’arrivée dans le secteur de Brest était une question de jours. Le 5 août 1944, les jedburgh donnent le feu vert aux F.F.I de l’arrondissement pour entrer dans la bataille. Une réunion se tient à Gouesnou en présence de différents responsables F.F.I de l’arrondissement. Joseph Garion met en branle son plan d’attaque malgré l’imperfection de l’armement. Le 2ème Bureau F.F.I quant à lui, missionne une Avant-garde F.F.I d’aller à la rencontre des troupes américaines avec des informations et cartes à jour, pour une pénétration rapide dans Brest. L’objectif est clair, forcer rapidement la capitulation allemande par les blindés américains, à défaut de pouvoir les harceler militairement dans les rues.

Le 6 août, les troupes allemandes du Nord de l’arrondissement, après avoir été harcelées par les F.F.I et en prévision de l’arrivée des américains, se replient sur la forteresse de Brest, provoquant une désorganisation temporaire des unités F.F.I. Le 7 août 1944, l’équipe Horace se met en relation avec les premiers éléments américains parvenus dans son secteur. Le 8 août, John W. Summers et William F. Zielske travaillent en coopération avec le service G2 (renseignement) de la 6th Armored division (U.S.A) pour manœuvrer les F.F.I, tandis que Georges Leclercq reste dans un maquis près de Lesneven. Dans les jours qui suivent, Horace participe à la coordination des forces, à la traduction des informations recueillies par la résistance brestoise ainsi qu’à la reddition de la garnison allemande du camp retranché de Saint-Pabu (280 prisonniers). Georges Leclercq s’établit lui à Plabennec et travaille particulièrement avec les Civil affairs des U.S.A et le quartier général des F.F.I.

Les 14 et 15 août 1944, les Jedburgh voient la 6th Armored division quitter le secteur, ne laissant que quelques unités pour maintenir la poche de Brest. Le commandement des F.F.I revient à Baptiste Faucher, pour remplacer Joseph Garion qui prend la tête d’une unité mixte F.F.I pour nettoyer le secteur de Plougastel-Daoulas, le Menez-hom et la presqu’île de Crozon. Pour sa part, le lieutenant Georges Leclercq s’est mis en relation avec la mission Aloès du Colonel Éon. Les jours suivant sont alloués à la collecte d’informations sur les positions allemandes et à l’inspection de la ligne de front, notamment avec le capitaine Bernard Knox de l’équipe Jedburgh Giles, venu se rendre compte de la situation dans l’arrondissement de Brest.

Avec l’arrivée du VIII U.S Army Corps à Brest dans les derniers jours d’août 1944, les Jedburgh coordonnent les efforts et font la liaison avec les F.F.I. L’effort pour les unités françaises étant particulièrement tourné vers la poche du Conquet, John W. Summers suit les éléments de la 29th Infantry division et du 2nd Ranger Battalion dans cette zone de combats. Après les redditions, de la batterie allemande de Keringar, de la presqu’île de Kermorvan et d’Illien, les F.F.I sont rassemblés en prévision de la poursuite des opérations sur Brest. Ils ne seront cependant pas engagés (ou très peu) dans les rues de la cité du Ponant. La mission de l’équipe Horace s’achève ainsi le 13 septembre 1944. Le 15, les trois parachutistes prennent un avion pour retourner en Angleterre.

En octobre 1944, il est de retour à Paris où il est affecté à la Compagnie des Services n°1. Volontaire pour servir en Extrême-Orient, Georges Leclercq saute sur le Laos en avril 1945.

Lors d’une permission, il se rend à Alger où il épouse Eyliette Poussard (1921-2007), le 19 septembre 1945 et de cette union naissent deux filles et un fils.

Il poursuit sa carrière dans l’Armée française, prend part à la Guerre d’Indochine, à la crise du canal de Suez et à la Guerre d’Algérie et termine sa carrière en métropole avec le grade de Général de division de réserve.

Décorations de Georges Leclercq :
 Chevalier (1946) puis officier (1961) de la Légion d’honneur
 Commandeur de l’Ordre national du Mérite
 Croix de Guerre 1939-1945, avec 2 palmes et étoile d’argent
 Croix de Guerre des Théâtres d’opérations extérieurs
 Croix de la Valeur militaire, avec étoile de vermeil
 Croix du combattant volontaire 1939-1945
 Médaille coloniale, agrafe Extrême-Orient
 Distinguished Service Cross (USA)
 Médaille commémorative des opérations de sécurité et de maintien de l’ordre
 Médaille commémorative française des opérations du Moyen-Orient

Publiée le , par Gildas Priol, mise à jour

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Portfolio

Note sur Georges Leclercq par de Wavrin (1945)
Crédit photo : Service historique de la Défense de Vincennes (GR 16 P 349722)
Carte du Comité français de la Libération nationale, service B.R.A.L
Crédit photo : Famille Leclercq

Sources - Liens

  • Famille Leclercq, témoignage et documents (2023).
  • Archives départementales des Yvelines, registre d’état civil (4E 5860) et fiche matricule militaire de Georges Leclercq (1R/RM 1006).
  • Archives nationales françaises, compte rendu d’action de la Team Horace.
  • Service historique de la Défense de Vincennes, dossiers individuels de résistant de Georges Leclercq (GR 16 P 349722, GR 28 P 4 304 61 et GR 28 P 2 331), aimablement transmis par Brigitte Snejkovsky (2023).
  • Service historique de la Défense de Vincennes, messages radios de l’équipe Jedburgh Horace (GR 28 P5-31), aimablement transmis par Yann Goaoc (2019).
  • HUESER Michael, album photo des équipes Jedburgh.
  • L’Écho d’Alger, édition du 14 juin 1949.
  • Alger républicain, édition du 14 juin 1949.
  • DERRIEN Jean-François, Gendarme et Résistant - sous l’occupation 1940-1944, édition à compte d’auteur, Spézet, 1994.

Remerciements à Françoise Omnes pour la relecture de cette notice.

Notes

[1Ceci est plausible, dans son rapport l’équipe Gilles indique avoir rencontré Roger Bourrières le 12 juillet 1944.

[2Alias Paul Lebel, nom de code Loire, né le 9 mai 1913 à Guingamp, décédé le 1er janvier 1995 à Nice.

[3En référence au département où se trouve la maison secondaire de ses parents.

[4Dans sa version datée de 1949, François Broc’h indique avoir participé à ce convoyage, ce qui n’est pas confirmé par l’équipe Jedburgh qui ne cite que les deux premiers noms.