HILY Yves

Yves Hily passe son enfance au Pouldu à Guipavas. Dans la droite lignée familiale, il commence à apprendre le métier de charpentier de marine mais la Première Guerre mondiale se déclare. À 17 ans, il devance sa mobilisation et se porte volontaire pour la Marine. Il participera notamment à la bataille des Dardanelles. Il poursuit sa carrière après guerre dans la Marine Nationale comme mécanicien. Il épouse Marie L’Hour à Plougastel-Daoulas le 19 juillet 1921. En juillet 1930, il est décoré de la médaille Militaire. En 1938, sur sa demande il est transféré à l’arsenal de Brest, et travaille alors sur le plateau des Capucins.

Sous l’occupation il réside au 1 rue Châteaubriand à Kerbonne en Saint-Pierre-Quilbignon.

Yves Hily entre en résistance en 1943 et intègre le groupe Marine fondé par l’ingénieur Paul Bardu.

Par les rapprochements des différents mouvements de résistance en début 1944, Yves Hily fait la connaissance de Pierre Beaudoin du groupe Action Directe, corps franc du mouvement Défense de la France. En plus de son activité clandestine à l’arsenal, il oeuvre désormais avec ces résistants prônant les sabotages et coups de main contre les occupants. Parmi les agents de liaison avec lesquels il travaille, citons Denise Le Page, jeune employée d’une parfumerie à Brest.

Le 24 avril 1944, Georges Dauriac, Yves Hily, Pierre Herpe et Laurent Georges filent en traction, empruntée à Jean Le Gall, vers Ploudalmézeau, pour un nouveau vol de tickets de ravitaillement. L’opération se déroule bien mais sur le trajet retour, la voiture fait une sortie de route et termine sa course contre un pylône électrique. L’accident est grave. La voiture est détruite et Georges Dauriac a la mâchoire fracturée et le nez pulvérisé. Avec l’aide d’Yves Hily, ils prennent la fuite à pied à travers champs. Ils trouvent refuge chez l’agriculteur François Le Gall de Kerscaven à Plouguin grâce à Joseph Grannec. On fait prévenir la résistance locale qui récupère les deux Brestois et les fait transporter chez Joseph Mouden de Tréglonou.

Le docteur Phélippes de la Marnierre, lui aussi résistant du mouvement, fonce récupérer le blessé et parvient à le conduire à son cabinet de la rue Voltaire à Brest pour l’opérer. Alors qu’il n’est pas encore réveillé, le blessé est transporté chez Marguerite Grigeol au 23 de la même rue, pour être caché car l’alerte a été donnée et les résistants sont désormais traqués par les allemands.

Deux jours plus tard, le 26 avril 1944 au petit matin, tout juste remis de ses contusions Yves Hily et le groupe composé de : Yves Hall, Francis Beauvais, Pierre Beaudoin, Jean Prédour, Julien Kervella, Georges Hamon, Gaston Viaron et Lucas Gallic participent au vol du dépôt de munitions et grenades allemandes dans la mairie de Gouesnou. L’affaire est rondement menée et l’équipe poursuit jusqu’à la ferme de Kerdoyer, toujours à Gouesnou. Y sont entreposées des armes provenant du parachutage d’Hanvec, rapatrié en mars 1944 sur l’arrondissement de Brest. De retour à Brest, les armes et munitions sont déposées chez Yves Hily.

Toujours le 26 avril, Yves Hall et Francis Beauvais, grâce aux indications de Georges Hamon, font sauter le dépôt de carburant des usines Jupiter au port de commerce. Ce sabotage impacte directement la marine de guerre allemande pour l’approvisionnement de ses navires. Les explosifs ayant permis l’action, sont fournis par Yves Hily, très probablement récupérés auprès de Honoré Chalm.

Plusieurs résistants du groupe sont toujours traqués et consigne est donnée à Yves Hily de se mettre au vert dans la ferme des Morvan à Kéroular en Guipavas. Au préalable, on a une nouvelle fois fait déménager le stock d’armes chez ces fermiers. C’est une famille de patriotes qui cachent et transportent des armes pour le groupe depuis quelques temps et dont le contact est Pierre Beaudoin. Yves Hily arrive le 20 mai à la ferme et s’y terre en ne sortant pas ou peu, pour ne pas éveiller la curiosité du voisinage.

Il semble cependant qu’Yves Hily revienne à Brest pour effectuer une opération de sabotage à l’explosif sur deux excavateurs allemands près de l’Ecole Navale avec Honoré Chalm, du groupe de résistance Marine, le 23 mai vers 21 heures.

Le 25 mai 1944 vers deux heures du matin, Laurent Georges, Julien Kervella et Gaston Viaron du groupe Action Directe sont arrêtés à Brest. Au petit matin de ces arrestations, Honoré Chalm reçoit la visite d’Yves Hily qui le met au courant de la situation. Yves Hily préconise de se mettre au vert sans tarder.

Honoré Chalm précise les modalités de départ :
Connaissant très bien la région de Plouzané, où je savais pouvoir être hébergé dans une ferme, je décidais Yves à partir sur le champ. En cours de route, mon camarade Hily se ravise et me déclare avoir changé d’avis, et préfère se rendre à Kéroular en Guipavas où se trouvait le dépôt de munitions dont la présence en ces lieux l’inquiétait beaucoup ; nous nous sommes donc séparés et je ne l’ai plus revu.

Le 27 mai 1944, un important dispositif allemand vise précisément la ferme de Kéroular à Guipavas. Les allemands savent où sont cachées les armes et les saisissent immédiatement. Tout laisse à penser qu’il s’agit d’une dénonciation [1]. Les occupants de la ferme sont alignés contre le mur tandis qu’on fouille sans ménagement la ferme. Yves Hily, Paul et François Morvan sont arrêtés et conduits sur Brest pour y être interrogés.

L’amiral français Négadelle, qui représente à Brest la Marine nationale, tente de plaider en faveur d’Yves Hily auprès de son homologue allemand mais ce dernier l’informe que l’affaire n’est pas instruite par la Kriegsmarine et qu’il ne peut rien faire.

Le procès se déroule à Brest par le Tribunal militaire allemand. Les résistants sont jugés pour actes de francs-tireurs. Aucune peine n’est prononcée à l’issue du procès. La délibération se fait ultérieurement. Paul et François Morvan sont acquittés, Yves Hily ayant endossé toute la responsabilité de la cache d’armes. Il a vigoureusement déchargé les deux fermiers de Kéroular, aggravant au passage son cas.

Le 9 juin 1944 vers 22 heures, Julien Kervella, Gaston Viaron et Yves Hily sont informés à Pontaniou de leur condamnation à mort et qu’ils seront exécutés au petit matin. Ils sont autorisés à rédiger une dernière lettre qui est transmise à l’autorité allemande en vue d’une remise ultérieure aux familles. Jusqu’à 2 heures du matin, ils restent avec un curé allemand pour prier. Au matin du 10 juin, vers 5 heures, les prisonniers sont transférés en camion jusqu’au plateau du Bouguen. Sur le trajet, ils ont le droit à une dernière cigarette.

Le curé allemand Franz U. Eich, relate en 1946 l’exécution :
Ils furent exécutés l’un après l’autre au stand du plateau du Bouguen. Yves Hily fut amené le premier, tandis que ses camarades attendaient dans une cellule voisine. Hily était grave mais il resta debout jusqu’au dernier moment. Je lui dis encore des paroles de consolation pendant qu’on lui lisait le jugement. Avant que la salve meurtrière ne fut tirée, il saisit ma croix et la baisa avec une émouvante tendresse. Puis il me remercia. Je me retirai. L’ordre de faire feu retentit et c’est en prononçant les mots de " Liberté, Egalité, Vive la France, Adieu mes parents " qu’il mourut. Sa fin héroïque fit, à tous les assistants et à moi-même, une grande impression. La mort qui avait été instantanée, fut constatée par le médecin militaire allemand, le Dr Lamak. Le corps fut déposé sur le terrain voisin.

Aucune information n’est transmise aux familles. Le siège de Brest et la libération dispersent les témoins allemands et les documents sont détruits ou éparpillés. Certaines rumeurs laissent entendre qu’ils auraient été déportés, laissant un mince espoir aux familles. Mais d’autres rumeurs courent qu’ils ont été fusillés.

Il faut attendre le 21 février 1945, à l’occasion de fouilles sur le plateau du Bouguen, dans les douves des remparts près du stand de tir, pour que soient découverts trois corps. D’abord pris pour des soldats allemands, ils sont inhumés au cimetière de Kerfautras. Les effets personnels des victimes sont mis à disposition des familles des disparus pour une éventuelle reconnaissance. La famille d’Yves Hily se déplace et reconnaît les affaires du résistant fusillé le 10 juin 1944. Quelques jours plus tard le docteur Mignart procède à un nouvel examen qui permet d’identifier Gaston Viaron, lui aussi fusillé le même jour qu’Yves Hily. Le troisième corps ne peut donc être que celui de Julien Kervella. Yves Hily est inhumé le 9 mars 1945 devant une grande assistance.

A titre posthume, pour son action dans la clandestinité, il reçoit les distinctions suivantes :
 Chevalier de la Légion d’honneur (1945)
 Médaille de la résistance française, avec Rosette (1946)
 Croix de Guerre 1939-1945 avec palme (1945)

Une rue porte son nom à Brest depuis 1945 dans le quartier de Kerbonne où se trouvait son domicile. Son nom est également donnée à une rue de Guipavas. Une plaque fut apposée sur l’ancien domicile de Julien Kervella, entre le 45 et 47 rue de Glasgow anciennement au 105 rue de la Vierge en la mémoire de ces trois fusillés. Cette plaque est toujours visible de nos jours mais une stèle fut érigée sur le plateau du Bouguen en 2004 pour regrouper la mémoire de ces résistants.

La sépulture de Yves Hily se trouve dans le cimetière de Recouvrance à Brest [Carré 7, Rang 5, Tombe 15]

Publiée le , par Gildas Priol, mise à jour

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Portfolio

Yves Hily lors de la première guerre mondiale
Ancienne plaque commémorative de la rue Glasgow
Aurait du être démontée en 2004, laissée à l’abandon, elle est repeinte par un inconnu en 2019.
Plaque commémorative du Bouguen
Inaugurée en 2004 lors du 60e anniversaire de la Libération.
Crédit photo : Gildas Priol
La famille Hily du Pouldu
Premier rang : Jean et Jeanne-Yvonne
Second rang : Germaine, Yves et Nana
Etat de la voiture après l’accident du 24 avril 1944
Collection personnelle : Hervé Farrant

Sources - Liens

  • Commune du Relecq-Kerhuon, registre d’état civil.
  • Archives départementales du Finistère, dossier individuel de combattant volontaire de la résistance d’Yves Hily (1622 W 24).
  • Archives F.F.I de Brest, déposition du curé allemand Franz U. Eich (1946).
  • Ordre de la Libération, mémoire de proposition de décoration, aimablement transmis par Mathieu Blanchard (2023) et registre des médaillés de la Résistance française (J.O du 17/05/1946).
  • Archives de Brest, fonds Défense de la France (51 S) et fonds Victimes de guerre (4 H).
  • Fondation de la Résistance (Paris), liste nominative des Résistants du Finistère.
  • Service Historique de la Défense de Vincennes, dossier Compagnie F.F.I de fusiliers-marins de Brest (GR 16 P 108).
  • CHALM Honoré, témoignage manuscrit (non daté).
  • THOMAS Georges-Michel et LE GRAND Alain, Le Finistère dans la guerre - Tome 1, éditions de la Cité, 1979.
  • PICHAVANT René, Clandestins d’Iroise - Tome 4, éditions Morgane, 1988.
  • DRÉO Jean, Yves Hily, non publié, 1994.
  • CISSÉ Gérard, Rues de Brest, de 1670 à 2000, éditions Ar Feuntelin, 2012, page 204.
  • Brest métropole, service des cimetières - sépulture d’Yves Hily.
  • Service historique de la Défense de Vincennes, dossier d’homologation des faits de résistance (GR 16 P 293777) - Non consulté à ce jour.

Cette biographie n’aurait pu se faire sans le remarquable travail de recherches mené par Jean Dréo (1924 - 2016), neveu de Yves Hily. Remerciement à la famille Dréo pour la mise à disposition des archives de Jean Dréo. Remerciement à Mikaël Cabon et Françoise Omnes pour la relecture.

Notes

[1Lors de son procès, le résistant Laurent Georges impute à Gaston Viaron d’avoir livré sous la torture l’emplacement du stock d’armes